Corticothérapie en Dermatologie Féline

Chez le chat, plus encore que chez le chien, les corticoïdes sont incontournables dans le traitement de nombreuses dermatoses inflammatoires.
La corticothérapie chez le chat illustre bien à quel point il n’est plus possible de considérer un chat comme un petit chien et donc de se contenter de le traiter de façon identique. Les dermatoses allergiques et immunitaires félines sont sensiblement différentes de celles du chien et l’utilisation des corticoïdes est différente dans les deux espèces pour des raisons physiologiques et pratiques.

Particularités de la corticothérapie chez le chat

chat

Posologie

Chez le chat, tous les auteurs s’accordent pour reconnaître qu’il est nécessaire d’utiliser des posologies deux à trois fois plus élevées que celles utilisées chez le chien dans les mêmes indications (1). Ceci peut être dû à l’existence d’un nombre beaucoup plus faible de récepteurs aux corticoïdes dans cette espèce, notamment au niveau hépatique et cutané. Il n’existe aucune donnée sur l’intérêt d’une prise quotidienne ou biquotidienne de prednisolone. De même, les données sur le moment de la prise sont discordantes et aucune recommandation ne peut être faite, les variations de la cortisolémie dans cette espèce étant aléatoires et non circadiennes.

Métabolisme

La prednisone est très faiblement métabolisée en prednisolone chez le chat (environ 20%)(2). Son usage est donc proscrit dans cette espèce, les posologies étant inadaptables.

Compliance

La compliance chez le chat est un problème majeur tant pour la voie orale que pour l’application de topiques. Il est parfois très difficile d’administrer des comprimés, ce qui rend le recours aux formes retard injectables particulièrement intéressant. Les topiques sont difficilement utilisables en-dehors des zones glabres et leur application provoque souvent un grattage ou un léchage.

Comportement

Le léchage est une activité substitutive majeure chez le chat anxieux. Les stéroïdes quant à eux, ont une activité neuroleptique non négligeable. Par conséquent, il est souvent difficile chez le chat de faire la part entre prurit d’origine allergique et trouble du comportement en se basant sur la réponse à une corticothérapie.

Effets secondaires

Les effets secondaires de la corticothérapie chez le chat ne sont pas totalement identiques à ceux rapportés chez le chien : polyuro-polydipsie, boulimie, prise de poids, cystite, fragilité cutanée, amyotrophie, diabète sucré, syndrome de Cushing iatrogène. On a coutume de considérer que ces signes sont beaucoup moins importants que chez le chien et ne s’observent qu’après des prises massives ou prolongées de stéroïdes (tableau I). Il faut toutefois modérer cet optimisme sur l’usage au long cours des corticoïdes chez le chat, notamment lorsque l’on considère les données qui en font dans 80% des cas l’origine d’un diabète sucré dans cette espèce. Si les signes cliniques ne sont pas visuellement spectaculaires, les conséquences médicales sont très graves.


Tableau I : Effets secondaires cutanés de la corticothérapie chez le chat (d’après Lowe et coll (3))
– Dépilations, alopécie (83%)
– Atrophie cutanée ou perte d’élasticité (44%)
– Vergetures (22%)
– Hyperpigmentation (22%)
– Courbure médiale des conques auriculaires (17%)
– Fragilité cutanée (11%)
– Pelage terne (11%)


Utilisation pratique

Traitement des dermatites allergiques

Les corticoïdes sont incontournables dans le traitement d’une poussée de dermatite allergique chez le chat. Ils sont généralement très efficaces dans le contrôle du prurit et des lésions de dermatite miliaire et de plaques éosinophiliques. Cette efficacité est beaucoup plus inconstante dans le contrôle des lésions généralisées de dermatite éosinophilique, les ulcères labiaux atones, les alopécies auto-induites et les prurits cervico-faciaux.

Traitement à court terme

Pour un traitement de première intention, les corticoïdes retards représentent une solution intéressante par leur praticabilité. Si les prises de comprimés sont faciles, on privilégiera la méthylprednisolone (0,8 – 1,5 mg/kg q24h) et la prednisone ou la prednisolone (1 – 2 mg/kg q24h). Le traitement peut être administré durant  une à deux semaines, le temps de contrôler la cause de la dermatite allergique.
Les topiques corticoïdes sont utilisés chez le chat essentiellement sous la forme de topiques auriculaires ou oculaires. Il est possible aussi d’utiliser des préparations dermatologiques de type gel ou pommade pour traiter de petites zones glabres (lésions de plaques éosinophiliques circonscrites par exemple). Toutefois l’application de topiques peut aggraver le prurit ou générer un léchage intense limitant l’effet et aggravant parfois les lésions. La commercialisation de spray à base d’acéponate d’hydrocortisone a très largement élargi les possibilités d’utilisation des topiques corticoïdes en dermatologie féline. Le séchage très rapide évite les inconvénients des pommades et des sprays et la puissance de ce corticoïde en font aujourd’hui le topique corticoïde de choix. On l’utilise comme chez le chien directement, mais l’observance est parfois difficile, notamment au niveau de la face. Dans ces cas, on peut appliquer le produit à l’aide de gants en friction. L’application se fait une fois par jour jusqu’à contrôle du prurit. Dans une étude, l’espacement des applications ne se fait pas en moyenne avant un mois de traitement (4).
L’action est plus lente qu’avec un corticoïde par voie générale. On utilise donc les topiques en relais d’un traitement par voie générale ou lorsque l’inconfort lié au prurit n’est pas trop important.

Traitement au long cours

Lorsque la cause de la dermatite allergique n’a pas été identifiée et contrôlée, il est fréquemment nécessaire d’administrer des corticoïdes régulièrement pour contrôler le prurit. On peut, soit avoir recours à des traitements courts (1 semaine) aux posologies habituelles et ce à chaque crise, soit instaurer une corticothérapie avec la plus faible dose efficace en administrations quotidiennes ou en CJA (corticothérapie à jours alternés). Si le traitement s’avère pérenne toutes les solutions d’épargne corticoïde doivent être tentées, notamment l’association à des acides gras essentiels ou des antihistaminiques.
Traitement des formes rebelles
Lorsque les lésions ne régressent pas malgré une corticothérapie bien administrée, on peut multiplier les injections de corticoïdes retards à 10 jours d’intervalle (pas plus de trois fois), ou bien associer aux prises de corticoïdes du chlorambucil(0,2 mg/kg/j). Toutefois l’administration de cet agent alkylant nécessite un suivi régulier lié au risque de myélotoxicité. C’est pourquoi on lui préfère aujourd’hui la  ciclosporine(5). Le recours à l’acétate de mégestrol ou à l’acétate de médroxyprogestérone doit être évité. Ces progestatifs possèdent une activité corticoïde-like puissante, mais  génèrent de très nombreux effets secondaires, quelque soient la dose et la durée du traitement : diabète sucré, syndrome de Cushing, obésité, troubles du comportement, gynécomastie.
La pose d’une collerette pour limiter les automutilations de la face ou le léchage doit être proscrite autant que faire ce peut. Elle provoque l’apparition de troubles du comportement qui viennent aggraver le prurit chronique et rendent fréquemment la pose de la collerette impossible. Il est plus intéressant de protéger les zones de grattage par des pansements en veillant à ne pas créer de macération (contrôle tous les deux jours). Les pansements peuvent aussi servir à appliquer des topiques en crème ou en pommade, comme du tacrolimus ou des corticoïdes. L’application sous pansement occlusif accroît leur efficacité.

Dermatoses auto-immunes

Chez le chat, la dermatose auto-immune la plus fréquente est le pemphigus foliacé. Les corticoïdes représentent la solution de choix du traitement de première intention, soit en topiques dans les formes bénignes, soit par voie générale dans les formes plus graves.

Autres dermatoses

On pourrait avoir recours aux corticoïdes dans le contrôle d’autres dermatoses dysimmunitaires chez le chat : pododermatite plasmocytaire, chondrose auriculaire, toxidermies. Ils sont en pratique assez inefficaces dans ces indications.

Principales contre-indications

Les principales contre-indications dermatologiques chez le chat sont représentées par les dematophyties, le diabète sucré et les rétroviroses. S’il existe un doute sur l’existence d’une dermatophytie ou d’un portage  passif, il est indispensable de finaliser le diagnostic (culture) avant de poursuivre une corticothérapie. Ce diagnostic différentiel peut être difficile dans des races comme le Persan chez lequel l’aspect clinique de la teigne est parfois peu typique et associé à un prurit. Certaines ectoparasitoses (gale notoédrique, démodécie) représentent aussi des contre-indications majeures, mais elles sont beaucoup plus rares. Toutes les dermatoses bactériennes et virales représentent des contre-indications importantes.

Conclusion

Le recours à la corticothérapie est plus fréquent chez le chat que chez le chien, parce que les moyens d’investigation allergologique sont beaucoup plus limités. Elle est aussi beaucoup plus facile à pratiquer, les effets secondaires étant moins fréquents et mois graves. Malgré tout, cette facilité ne doit pas occulter la nécessité d’une recherche étiologique, les effets secondaires au long cours étant parfois très graves.

1.    Messinger LM. Pruritus therapy in the cat. In: Bonagura JD, editor. Kirk's Current Veterinary Therapy XIII Small Animal Practice. Philadelphia: Saunders, W.B.; 2000. p. 542-5.
2.    Graham-Mize CA, Rosser EJ. Bioavailability and activity of prednisone and prednisolone in the feline patient. Veterinary Dermatology. 2004;15(S1):9-10.
3.    Lowe AD, Campbell KL, Graves T. Glucocorticoids in the cat. Vet Dermatol. 2008;19(6):340-7.
4.    Schmidt V, Buckley LM, McEwan NA, Reme CA, Nuttall TJ. Efficacy of a 0.0584% hydrocortisone aceponate spray in presumed feline allergic dermatitis: an open label pilot study. Vet Dermatol. 2011.
5.    Prélaud P. Utilisation de la cisclosporine A chez le chat. Pratique Médicale et Chirurgicale de l'Animal de Compagnie. 2007;42:109-16.

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