Les dermatites de contact sont des dermatites provoquées par des substances au contact de la peau de l’animal. Fréquentes chez l’homme, elles sont rares chez le chien (et encore plus chez le chat), mais probablement sous-diagnostiquée. Ceci est probablement lié à trois facteurs: la protection offerte par le pelage, le mode de vie des chiens et la difficulté d’induction d’une hypersensibilité de contact chez le chien. La difficulté technique d’un diagnostic définitif contribue probablement aussi à sous-estimer la fréquence de ces dermatites.


Définitions
On classe les dermatites de contact en dermatite irritative ou orthoergique (aigue ou chronique), dermatite allergique (type immédiat ou retardé) et photodermatose (pas de cas décrit chez le chien, un cas décrit chez le chat).
La distinction entre dermatites irritantes ou orthoergique et allergiques est simple en théorie. Les premières sont dues à l’action de substances qui provoquent directement par leurs propriétés physicochimiques la destruction des kératinocytes qui elle-même induit l’inflammation cutanée. Les secondes sont provoquées par des substances qui induisent une réaction immunitaire, et les manifestations cliniques sont l’aboutissement d’une réaction d’hypersensibilité retardée, plus ou moins associée à des réactions immédiates, à cette substance.
Sur le plan anatomopathologique, on peut donc retrouver des différences plus ou moins marquées en début d’évolution.
Sur le plan clinique, le délai entre l’exposition et l’apparition des symptômes est presque nul pour les dermatites irritatives et peut atteindre plusieurs mois dans le cas des dermatites allergiques. Donc une substance introduite peu de temps avant l’apparition des symptômes peut être la cause de dermatite par irritation mais probablement pas d’une allergie.
En pratique, la différence entre les deux n’est pas toujours aisée et ce d’autant plus que certaines substances peuvent être à la fois irritantes et allergisantes.


Etiologie
Il faut distinguer les substances ayant un réel pouvoir allergénique des substances irritantes.
Substances irritantes
Le pouvoir irritant dépend à la fois du produit lui même, mais aussi de sa concentration et de la fréquence des contacts avec l’épiderme. Les substances le plus souvent irritantes chez le chien sont les détergents, les shampooings contenant du peroxyde de benzoyle, des sprays insecticides, les acides (acide chlorhydrique) et les bases (soude) forts.
Les produits très irritants comme les acides provoquent des lésions après un seul contact. Les substances peu irritantes, comme les détergents, n’induisent une dermatite de contact qu’après des contacts répétés.
Allergènes
Ce sont des haptènes, c’est-à-dire des molécules de faible poids moléculaire, qui deviennent immunogènes après liaison avec une protéine porteuse. Cette liaison est solide, le plus souvent covalente. Cette propriété est la conséquence de caractéristiques chimiques des haptènes allergisants.
La plupart de ces molécules sont électrophiles, c’est-à-dire qu’elles ont « besoin » d’électrons pour stabiliser leur nuage électronique. Ces électrons pourront être fournis par les nombreux groupement nucléophiles des protéines. C’est pourquoi des sels tels que Ni2+, Co2+, Hg2+ ou Cr2O72+, sont de puissants allergènes de contact. D’autres molécules ont un nuage électronique déséquilibré qui leur confère des propriétés électrophiles. C’est le cas, par exemple, des groupements aldéhydes, des cétones ou des lactones présents dans les allergènes végétaux. D’autres haptènes sont lipophiles, ils sont donc capables de s’insérer dans la paroi des cellules. Après oxydation in vivo, ils deviennent électrophiles. C’est le cas d’allergènes puissants comme les pyrocathéols du poison ivy (Rhus radicans ) ou lierre vénéneux.
Les principaux contactants décrits dans la littérature chez le chien sont présentés dans le tableau I.

Tableau I : principaux contactants pour le chien décrits dans la littérature :
Topiques auriculaires, oculaires et cutanés
–    Antibiotiques (néomycine, bacitracine)
–    Antifiongiques (thiabendazole, miconazole)
–    parfums, conservateurs
–    antiseptiques
–    corticoïdes
–    inseciticides (colliers, lotions, spot-on)
–    shampooings
–    décolorants
Plantes
–    Pissenlit
–    Lière vénéneux, herbe à puce (poison ivy)
–    Sumac grimpant (poison oak )1
–    Misère (Tradescantia)
–    Amaryllis (Hippeastrum)
–    Commélinacées (misère, Tradescantia, Murdannia)
–    Jasmin
Bois de cèdre (Simarouba amara)
Ciment, goudron
Produits ménagers
–    Textiles (laine, nylon)
–    Vernis
–    Détergents
–    Colorants
–    Désodorisants
Substances chimiques
– Chrome (acier inoxidable de cages, produits de tannage de colliers, ciment frais)


Pathogénie
La manière de vivre des chiens fait que les contacts répétés avec des substances allergisantes sont rares. Les risques les plus fréquentes sont représentés par: les revêtements de sol et la couche, les shampooings répétés et les applications de topiques insecticides ou médicamenteux.
Contrairement à l’Homme ou au Cobaye, il semble que le Chien soit une espèce relativement réfractaire au développement d’hypersensibilité de contact, même dans des conditions expérimentales. Ainsi, le DNCB (dinitrochlorobenzène), utilisé fréquemment chez le Cobaye pour induire une allergie de contact, ne permet pas d’obtenir chez le Chien de bonnes réactions cutanées après une sensibilisation percutanée.
Réactions d’hypersensibilité
Les dermatites de contact peuvent être provoquées par des réactions d’hypersensibilité retardée, mais aussi parfois immédiates, comme cela  a été démontré chez le chien pour les dermatites de contact aux feuilles de Commélynacées (Callisia fragrans)


Facteurs prédisposants
Tous les facteurs favorisant les contacts et la pénétration d’haptènes favorisent l’apparition d’une dermatite de contact.
C’est le cas des traumatismes répétés sur des zones exposées, telles que les bourses ou les doigts et des dermatites inflammatoires telles que la dermatite atopique. Ainsi dans trois études rétrospectives, 20% des animaux présentant une dermatite de contact allergique ont aussi des tests cutanés intradermiques positifs aux aéroallergènes et des signes cliniques compatibles avec une dermatite atopique.
Bien entendu, ce sont les contacts étroits et répétés qui entraînent le développement de la dermatite de contact. Ainsi, dans la plupart des cas, la substance est en contact avec l’animal depuis au mois 6 mois, le plus souvent 2 ans, avant l’apparition des symptômes. C’est pourquoi ceux-ci n’apparaissent presque jamais avant l’âge d’un an.
L’absence de poils est aussi est facteur prédisposant, comme le montrent des cas d’allergie de contact à des cages en inox chez des chiens nus mexicains ou la localisation scrotale préférentielle chez le mâle.
Symptômes
Le prurit est un signe constant, d’intensité très variable. Il est en principe perannuel, mais peut être saisonnier lors d’allergie à des plantes ou des pollens. Comme dans la dermatite atopique, le propriétaire de l’animal peut rapporter une amélioration ou une aggravation des symptômes lors de voyages.


Lésions
Contrairement à de nombreuses dermatites allergiques du chien, ici, les lésions primaires sont systématiques : érythème, papules, plaques et, plus rarement, pustules ou vésicules. Toutefois, des lésions secondaires au grattage viennent rapidement se surajouter: excoriation, alopécies, croûtes. Dans les cas les plus anciens, on peut observer une hyperpigmentation, une lichénification et un squamosis. Dans 40 % des cas les dermatites de contact sont compliquées d’une folliculite bactérienne.
Il s’agit donc de lésions non-spécifiques. Par contre, leur localisation est, elle, très évocatrice. Elle dépend du type d’allergène et donc des zones de contact avec l’animal.
S’il s’agit d’un allergène présent dans l’environnement de l’animal, ce seront les zones glabres qui seront atteintes avec une prédilection pour les plis  (ars, doigts, région inguinale) où la macération et les frottement favorisent la pénétration des allergènes: sternum, abdomen, ars, doigts, face ventrale de la queue, points de pression. Les lésions s’étendent au fur et à mesure de l’extension de l’alopécie. Il peut être intéressant de tondre les poils en périphérie des lésions. Lors de dermatite de contact on observe à la limite de la zone alopécique des lésions primaires et une peau saine là où le pelage apportait sa protection.
 

Lésions généralisées
L’atteinte peut être généralisée si l’allergène ou la substance irritante est  utilisée sur tout le corps, shampooing, poudre, bain etc… Une des réactions irritantes les plus souvent observées sont celles qui suivent l’application de préparations à base de peroxyde de benzoyle. Elles provoquent une fois sur dix  un érythème généralisé. D’une façon générale, il est important de prévenir les propriétaires d’animaux que lorsqu’ils utilisent un shampoing, quelque soit sa composition, l’apparition d’une érythrodermie et ou d’un prurit intense est anormale.
 

Dermatite scrotale
Les dermatites scrotales (érythème, érosion, ulcères, dépigmentation, hyperpigmentation), très fréquentes et parfois sévères, sont presque toujours des dermatites de contact par irritation. Elles sont, le plus souvent, consécutives à un contact avec des substances chimiques sur le sol lorsque le chien s’assoit, ou à des reliquats de savon ou de shampoing si le rinçage n’est pas fait soigneusement après un bain.
L’association à d’autres lésions déclives (sternum, coude) est très évocatrice.
 

Pododermatite
Les dermatites de contact allergiques sont une des causes de pododermatite chronique. Contrairement à l’atopie, il n’y a généralement pas d’atteinte de la face craniale des doigts, mais uniquement de la face plantaire et des espaces interdigités. Il s’agit le plus souvent d’irritation ou d’allergie de contact à des substance présentes sur le sol ou au revêtement lui-même.
 

Dermatite de contact aux zones de repos
Lors d’allergie à des substances sur lesquelles l’animal se couche les lésions peuvent être localisées à tout l’abdomen jusq’aux ars et aux flancs. Des cas sont décrits avec le ciment, le goudron, de la toile de jute, des bois exotiques (bois de cèdre) ou des plantes comme les feuilles de pissenlit ou de laurier, voire de l’inox (chiens nus méxicains).
 

Chéilite
Les dermatites de contact à des récipients en plastique, provoquent des dermatites des lèvres (plastic dish dermatitis). Il s’agit généralement d’une alopécie et d’un érythème localisés au bout des lèvres et du menton.
 

Colliers
Les dermatites de contact aux colliers insecticides, localisées au tour du cou, seraient dues au dichlorvos ou à une irritation si le collier est trop serré. Il peut aussi exister des allergies aux colliers en cuir (chrome des produits de tannage) ou en métal (nickel, chrome).
 

Spot-on
Des dermatites de contact à des insecticides ou des vermifuges en spot on peuvent se manifester sous la forme d’érythème ou de squamosis sur la zone de dépôt, avec parfois une pigmentation ou une alopécie.
 

Blépharite, Otite
L’application de topiques peut provoquer des dermatites de contact allergiques. Les cas les plus fréquents sont les préparations auriculaires et les collyres contenant des antibiotiques et les collyres anesthésiques.
Lors d’otite, avec allergie aux topiques auriculaires, on observe une extension à tout le pavillon auriculaire de lésions érythémateuses hyperplasiques et lors d’allergie de contact à un collyre, d’une kératite et une conjonctivite très sévères.


Diagnostic
Le diagnostic de dermatite de contact allergique ne peut être envisagé qu’après un diagnostic différentiel rigoureux. Il repose essentiellement sur la localisation des lésions et une anamnèse soignée qui doit mettre en évidence toutes les substances en contact avec l’animal et tous les changements effectués dans son entourage durant les trois dernières années.
Anamnèse
Le but est ici de recenser l’ensemble des substances en contact avec l’animal. On doit donc décrire le déroulement de la journée et rechercher tous les lieux fréquentés régulièrement.
Examen clinique
L’examen clinique révèle des localisations typiques  et l’absence de lésion dans les zones protégées par le pelage.


Diagnostic étiologique
Le diagnostic définitif repose théoriquement sur l’identification du ou des haptènes allergisants par des tests épicutanés puis l’éviction de la substance responsable.


Traitement
Il repose sur l’éviction des allergènes ou des substances irritantes par des shampoings suivis de rinçages abondants et le contrôle des infections secondaires. Une corticothérapie modérée (topique ou par voie générale) aide à contrôler prurit et inflammation.
La pentoxifylline est une thérapeutique intéressante lorsque l’éviction est impossible. L’amélioration clinique est rapide (moins d’une semaine). Toutefois, les symptômes réapparaissent dans la semaine suivant l’arrêt du traitement.
Mesures préventives
On peut limiter les risques de développement de dermatite de contact en limitant les contacts avec des substances irritantes ou potentiellement allergisantes: gamelles en plastique, couche en produits synthétiques, bois exotiques, bois traité, ciment, goudron…

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