Causes Primaires et Facteurs Prédisposant aux Otites Externes chez le Chien

Dans le l’imaginaire collectif, les principaux facteurs favorisant les otites sont le port des oreilles (tombantes) et la fréquence des bains. La réalité est comme souvent plus complexe et il faudrait idéalement étudier de façon différenciées les otites banales des otites compliquées.

FACTEURS ANATOMIQUES

Port des oreilles

Une étude « épidémiologique » récente vient donner une parcelle de crédibilité à ces croyances ancestrales (1). Cette étude (22333 chiens et deux fois plus d’oreilles) faite en pays tempéré met en évidence des facteurs de risque liés à la race et à la conformation des pavillons auriculaires. Seize races sont nettement prédisposées, dont les basset hound (odds ratio [OR] 5,87), shar peï (OR 3,44), labradoodle (OR 2,95), beagle (OR 2,54) et golden retriever (OR 2,23).
L’OR d’un port d’oreilles tombant est de 1,76 et celui des pavillons en V de 1,84.
Il existe des races à moindre risque : Chihuahua (OR 0,20), border collie (OR 0,34), Yorkshire terrier (OR 0,49) et Jack Russell Terrier (OR 0,52)
Ces chiffres méritent plusieurs commentaires :

  • Des odds ratio (risque relatif rapproché) proches de 2 ne sont vraiment pas très spectaculaires, donc le port des oreilles n’est pas un facteur de risque prépondérant ;
  • Les OR de certaines races sont plus significatifs, mais ne sont pas en rapport avec le port des oreilles : malformation et DA chez le shar peï, dermatite à Malassezia primaire chez le basset hound, hypertrichose chez le labradoodle, DA chez le beagle et le retriever ;
  • L’absence de mention des cockers et notamment des cockers américains et des brachycéphales dans cette étude est très (très) surprenant ; peut être qu’ils ne sont pas prédisposés aux otites, mais que les complications sont plus graves chez eux ;
  • Cette étude n’est pas une étude clinique à proprement parler, mais une étude basée sur des questionnaires. Autant dire que le sous-diagnostic d’otite est majeur et ce d’autant plus que l’examen de la région proximale est loin d’être systématique et que la définition d’une otite externe est très variable selon les praticiens

Dans d’autres études (plus anciennes), il existe une faible incidence des otites dans des races à oreilles pendantes, comme les beagles ou les setters irlandais(2). D’ailleurs, l’humidité (80%) et la température sont identiques dans le conduit auditif d’une oreille tombante et dans celui d’une oreille ouverte(3, 4).

On notera aussi que les complications infectieuses d’otites chroniques ne sont pas plus graves ou plus nombreuses chez les animaux ayant des oreilles tombantes (5).

Sténose des méats

La sténose distale des méats chez le shar peï est un facteur plutôt aggravant des otites externes. Elle est associée à la sélection de pavillons en rosette.

La sténose proximale (osseuse) chez les brachycéphales favorise la formation de bouchons proximaux et donc la pérennisation des otites externes, mais ce n’est pas une cause favorisante. C’est juste une scorie supplémentaire du syndrome brachycéphale qui accompagne les malformations de l’oreille moyenne (6, 7).

Tissus mous en région distale

Les chiens prédisposés aux otites externes présentent des ratios morphométriques anormaux comparés aux chiens non prédisposés. Ils possèdent notamment un excès de tissus mous en partie distale des méats(4).

FACTEURS MICROANATOMIQUES

Système glandulaire

La peau des méats acoustiques des chiens ayant un pelage long ou fin contient plus de glandes sébacées et apocrines et elles sont plus développées que chez les animaux à poils courts (8). Si ces glandes apocrines en nombre accru sont sécrétantes, la concentration de lipides dans le cérumen chute, l’humidité dans le méat augmente et il s’ensuit une macération, suivie d’une infection de l’oreille externe. L’augmentation de l’humidité et la macération de surface créent un environnement particulièrement favorable au développement de bactéries Gram négatif. Théoriquement, l’augmentation des sécrétions des glandes apocrine devrait produire un cérumen de pH plus faible, donc moins favorable au développement de bactéries Gram négatif. Il est probable que l’effet acidifiant ne soit pas suffisant pour contrebalancer les effets de l’inflammation, de l’humidité et de la macération.
L’hyperplasie primaire des glandes cérumineuses chez le cocker américain précèderait le développement d’otite et pourrait être associée à un gène sur le chromosome 31 (9, 10)

Système pileux

La présence de poils, en soit, dans le CAE n’est pas corrélée avec une prédisposition aux otites externes.
Les cockers possèdent de nombreux follicules pileux composés tout au long du CAE, alors que dans les autres races, ces follicules sont simples et en petit nombre. Toutefois, dans cette race c’est surtout le système glandulaire qui est en cause.
Les chiens ayant une hypertrichose majeure des méats (bichons, caniches, chiens d’eau) sont prédisposés à la formation de bouchon pilo-cérumineux et lors d’excès de zèle de leurs propriétaires à des otites irritatives. Curieusement la température est légèrement plus basse dans les méats de ces animaux (3).

CAUSES SOUS-JACENTES

L’existence d’une maladie sous-jacente est la cause la plus importante d’otite chronique, avec au tout premier rang la dermatite atopique (11).

Dermatite atopique

La dermatite atopique est de très loin la principale cause d’otite externe chez le chien, qu’il s’agisse de forme intrinsèque ou extrinsèque.
L’atteinte initiale peut être distale ou proximale et le plus souvent asymptomatique chez le très jeune chien.

Troubles de la cornéogenèse

Les dermatites séborrhéiques primaires (adénite sébacée, ichtyose…), s’accompagnent presque systématiquement d’une otite externe. Ce sont des otites initialement cérumineuses parfois hyperplasiques (cocker, cavalier King Charles)

Endocrinopathies

On cite souvent les dysendocrinies comme causes d’otite externe chronique cérumineuse. Toutefois, aucune étude n’est en faveur de ces habitudes de listing exhaustif de diagnostic étiologique. Elles sont surtout associées à des complications infectieuses graves

CLIMAT

Les trois principaux éléments du climat qui peuvent influer sur les maladies de l’oreille externe sont la température, l’humidité et la pluviométrie. Ces trois facteurs interagissent entre eux et modifient l’environnement interne du CAE (8Ê, 12). Ainsi, une augmentation de la température et de l’humidité extérieure provoque une augmentation faible, mais mesurable de l’humidité et de la température au sein du méat acoustique (8).
L’incidence des otites externes augmente lorsque la température, l’humidité et la pluviométrie s’accroissent avec un décalage d’un à deux mois. On observe ainsi un pic des cas d’otite externe chez le chien en fin d’été, début d’automne(13).
Les variations de climats, en fonction des aires géographiques, influent sur le type et la fréquence des otites externes. Ainsi, alors que température, humidité et pluviométrie influent sur la fréquence des otites externes, le climat local peut aussi avoir son importance (13) (cf tableau).

RegionTemperatureHumidité relativePrécipitations
MissouriDécalage de 2 moisMois en coursDécalage d’1 mois
MinnesotaDécalage de 2 moisMois en coursDécalage d’1 mois
GeorgiaDécalage de 2 moisMois en coursDécalage d’1 mois
CalifornieDécalage de 2 moisDécalage d’1 moisMois en cours
OhioDécalage d’1 moisDécalage de 2 moisMois en cours
IllinoisDécalage d’1 moisDécalage de 2 moisMois en cours
BrisbaneDécalage d’1 moisDécalage de 2 mois
Tableau : Illustration de l’influence des variations climatiques sur les pics d’otites externes en consultation (13)

Le climat peut influencer la flore auriculaire. Dans les climats chauds et humides, on trouve moins de méats à partir desquels aucun germe ne peut être isolé par culture. Chez l’homme, l’incidence des complications par des germes Gram négatifs augmente en climat chaud et humide et il semble qu’il en soit de même chez le chien (4).

MODE DE VIE

Les jeunes chiens de chasse ou de travail sont prédisposés, les jeunes animaux sont prédisposés aux otites par corps étranger (4).
Les bains fréquents ne sont jamais rapportés dans la littérature sur les otites comme des facteurs favorisants. Ils peuvent cependant augmenter le risque de complication par une infection à Gram négatif.
En collectivité les causes parasitaires peuvent prendre une place prépondérante dans l’étiologie des otites externes (11).
Enfin le mode de vie urbain étant associé à une augmentation du risque de développement d’une DA, il peut être considéré comme un facteur favorisant le développement d’otites chez le chien (14).

Références
  1. O’Neill DG, Volk AV, Soares T, Church DB, Brodbelt DC, Pegram C. Frequency and predisposing factors for canine otitis externa in the UK – a primary veterinary care epidemiological view. Canine Med Genet. 2021;8(1):7.
  2. Fraser GC. Aetiology of otitis externa in the dog. J Small Anim Pract. 1965;6:445.
  3. Huang HP, Huang HM. Effects of ear type, sex, age, body weight, and climate on temperatures in the external acoustic meatus of dogs. American Journal of Veterinary Research. 1999;60(9):1173-6.
  4. Harvey RG, Harari J, Delauche AJ. Ear Diseases of the Dog and Cat. London: Manson Publishing; 2001. 272 p.
  5. Zur G, Lifshitz B, Bdolah-Abram T. The association between the signalment, common causes of canine otitis externa and pathogens. J Small Anim Pract. 2011;52(5):254-8.
  6. Topfer T, Kohler C, Rosch S, Oechtering G. Brachycephaly in French bulldogs and pugs is associated with narrow ear canals. Vet Dermatol. 2022.
  7. Seppanen RTK, Kaimio M, Schildt KJM, Lilja-Maula L, Hyytiainen HK, Molsa S, et al. Skin and ear health in a group of English bulldogs in Finland – a descriptive study with special reference to owner perceptions. Vet Dermatol. 2019.
  8. Fernando SD. A histological and histochemical study of the glands of the external auditory canal of the dog. Res Vet Sci. 1996;7(1):116-9.
  9. Kaimio M, Malkamaki S, Kaukonen M, Ahonen S, Hytonen MK, Rantala M, et al. Clinical and Genetic Findings in 28 American Cocker Spaniels with Aural Ceruminous Gland Hyperplasia and Ectasia. J Comp Pathol. 2021;185:30e44.
  10. Kaimio M, Saijonmaa-Koulumies L, Laitinen-Vapaavuori O. Survey of otitis externa in American Cocker Spaniels in Finland. Acta Vet Scand. 2017;59(1):14.
  11. Saridomichelakis MN, Farmaki R, Leontides LS, Koutinas AF. Aetiology of canine otitis externa: a retrospective study of 100 cases. Vet Dermatol. 2007;18(5):341-7.
  12. Stout-Graham M, Kainer RA, Whalen LR, Macy DW. Morphologic measurements of the external horizontal ear canal of dogs. Am J Vet Res. 1990;51(7):990-4.
  13. Hayes Jr HM, Pickle LW, Wilson GP. Effects of ear type and weather on the hospital prevalence of canine otitis externa. Vet Rec. 1987;42(3):294-8.
  14. Hakanen E, Lehtimaki J, Salmela E, Tiira K, Anturaniemi J, Hielm-Bjorkman A, et al. Urban environment predisposes dogs and their owners to allergic symptoms. Sci Rep. 2018;8(1):1585.

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