Cas Clinique : perte d’équilibre et faiblesse locomotrice chez un Chien

Par les Drs S. Papageorgiou, DV, CEAV de médecine interne, Résidente ECVN & K. Gnirs, dip ECVN, spécialiste en neurologie

 

Chez le chien, les troubles du système nerveux central sont des motifs de consultation fréquents, pour lesquels le diagnostic nécessite de recourir à des examens complémentaires ciblés afin de proposer un traitement approprié.

Un chien Jack Russell Terrier, male de 4 ans est présenté pour des pertes d’équilibre et une faiblesse locomotrice du côté droit. Les signes cliniques sont apparus 15 jours auparavant et semblent s’aggraver progressivement.

Examen clinique

L’examen général est normal.

L’examen neurologique révèle une posture avec la tête et le corps incurvés vers le côté gauche (PHOTO 1). La démarche est ataxique, asymétrique, concernant surtout le bipède droit. Des pertes d’équilibre vers le côté droit sont notées. L’animal a tendance à marcher sur un cercle large à gauche et fait du pousser au mur.

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Posture avec la tête et le corps incurvés vers le côté gauche et pousser au mur (contre les pieds de la table). Cette posture, associée avec des déficits posturaux du bipède controlatéral est caractéristique d’une atteinte intracrânienne prosencéphalique gauche

Les réactions posturales sont diminuées sur les membres antérieur et postérieur droits et les reflexes médullaires sont normaux, indiquant une atteinte de type motoneurone central (MNC) sur le bipède droit. L’examen des nerfs crâniens révèle une absence de clignement à la menace à droite. Les reflexes photomoteurs ainsi que le reste des nerfs crâniens sont normaux. Une cécité centrale à droite est suspectée. Le comportement et le niveau de vigilance semblent normaux en consultation. Les résultats de l’examen neurologique orientent vers une lésion intracrânienne prosencéphalique gauche ou multifocale.

Effectuer des examens complémentaires

Le bilan hémato-biochimique est normal.

L’animal est anesthésié et une IRM est réalisée. Des lésions diffuses, multifocales localisées à la substance blanche pariétale gauche et au mésencéphale gauche sont observées. Elles sont hyper-intenses en séquence T2 et FLAIR et rehaussent après injection de produit de contraste.

Examen IRM de l’encéphale. Coupes transverses en acquisition T2 au niveau du mésencéphale (A) et au milieu de la corne rostrale des ventricules latéraux (B). Noter les lésions hyperintenses sur les 2 coupes (flèches). Noter le rehaussement de la lésion pariétale gauche (flèche) en acquisition T1 après injection de produit de contraste (C).

Une ponction de liquide cérébrospinal (LCS) est réalisée par voie atlanto-occipitale. L’examen cytologique du LCS révèle une pléocytose modérée à prédominance mononucléée (54 leucocytes/ mm3 dont 80% de lymphocytes et 20% de grandes cellules monocytoïdes ; VU < 5 leucocytes/ mm3).

Une recherche par PCR de Neospora caninum et du paramyxovirus de la maladie de Carré sur LCS est négative.

 Diagnostic

Compte tenu des données épidémiologiques, de l’évolution clinique et des résultats d’examen IRM et de l’analyse de LCS le diagnostic présumé est une méningoencéphalite d’origine immunitaire. Un lymphome ne peut toutefois pas être exclu.

Traitement

Il s’agit d’une maladie chronique, nécessitant souvent un traitement long voire à vie. Le traitement s’appuie sur l’utilisation d’immunomodulateur, pour lequel la dose minimale efficace est recherchée pour limiter les effets secondaires. Un traitement médical est mis en place avec de la prednisolone (2mg/kg/j) pendant 2 semaines initialement. La dose est diminuée progressivement par paliers de 6 semaines. L’agent d’épargne qui lui est associé à partir d’un mois de traitement est la cyclosporine (10mg/kg/j).

Evolution

Les signes cliniques régressent en quelques jours. Six mois plus tard, le chien est présenté pour un examen de contrôle. Le traitement est alors constitué de prednisolone (0.3 mg/kg un jour sur deux) et de cyclosporine (4 mg/kg/j). L’examen clinique général est alors normal. Seule une prise de poids est rapportée par ses propriétaires. L’examen neurologique ne met alors en évidence qu’une persistance des déficits posturaux du bipède droit. Une IRM de contrôle révèle une réduction de la taille des lésions initialement observées. Il n’y a pas de nouveaux foyers ni d’autres signes en faveur d’une inflammation active. L’analyse de LCS est normale. Le protocole dégressif des doses de corticoïdes et de cyclosporine est poursuivi, avec l’objectif de sevrer l’animal en immunomodulateurs. Un contrôle biologique par analyse de LCS est recommandé 3 mois plus tard, sauf si des signes nerveux centraux sont rapportés auparavant.

Discussion

Chez le chien les maladies inflammatoires du système nerveux central (SNC) d’origine immunitaire sont des affections fréquentes, représentant une grande partie les maladies inflammatoires du SNC chez le chien [1]. Selon l’aspect histologique, plusieurs formes sont maintenant connues (méningoencéphalite granulomateuse, méningoencéphalite nécrosante, leucoencéphalite nécrosante) [1].

Les signes cliniques sont variables et reflètent la région du SNC qui est atteinte [1,2]. Des signes témoignant d’une atteinte focale (prosencéphale, système optique, tronc cérébral, cervelet, moelle épinière) ou multifocale peuvent être observés [1]. Des crises convulsives sont fréquentes dans certaines formes et peuvent constituer le premier signe d’appel [1]. Des signes généraux sont rares, toutefois une hyperthermie et une leucocytose peuvent être notés [2].

Les chiens femelles de petite race (Yorkshires, Carlins, Bichons maltais, Chihuahuas), âgées de 3 à 7 ans sont principalement affectés [1,3]. Cependant, tous les chiens peuvent potentiellement êtres atteints [1,3].

Le diagnostic définitif des méningoencéphalomyélites d’origine immunitaire se fait lors de l’analyse histopathologique (autopsie ou très rarement biopsie de tissu nerveux). Cependant, un diagnostic présumé peut se faire ante mortem, reposant sur les résultats des examens d’imagerie en coupe, d’analyse de LCS et l’exclusion des maladies infectieuses.

Lors de l’exploration par imagerie, un examen tomodensitométrique ou une IRM peuvent être proposés. Les nombreux avantages de l’IRM, notamment les détails anatomiques excellents du parenchyme cérébral, en font l’examen de choix [2]. Une imagerie en coupe normale n’exclut cependant pas une méningoencéphalomyélite.

L’analyse de LCS révèle fréquemment une pléocytose mononucléée et un taux de protéines élevé [2]. Une analyse normale n’exclue pas la présence d’une maladie inflammatoire [3].

Les maladies infectieuses (Neosporose, maladie de Carré entre autres) doivent être écartées [1].

Le traitement des méningoencéphalomyélites dysimminitaires consiste en l’administration de corticostéroïdes en association avec des molécules adjuvantes [1]. Des doses immunosuppressives de corticostéroïdes sont employées initialement pendant les premières semaines de traitement avec une diminution progressive, l’objectif étant de trouver la dose minimale efficace qui permet de contrôler l’inflammation du SNC avec le moins d’effets indésirables [1]. De nombreuse molécules adjuvantes sont proposées (cytosine arabinoside, cyclosporine, lomustine, leflunomide, procarbazine) [1]. Des protocoles couramment utilisés et qui présentent des résultats bénéfiques avec peu d’effets indésirables sont l’association de prednisolone et de cytosine arabinoside [1, 2, 4] ou de cyclosporine [1, 2, 5].

Le pronostic est variable. Une mortalité d’environ 15% précédant la mise en place du traitement est rapportée [3]. L’objectif du traitement est une rémission complète des signes cliniques. Les dernières publications rapportent des durées de survie de plus en plus longues [3]. Néanmoins, des récidives sont fréquentes. Les examens de contrôle par analyse de LCS réguliers permettent de déceler précocement une reprise de l’inflammation. La réalisation d’un examen IRM de contrôle a également un intérêt ; il a été démontré que l’arrêt du traitement avant la disparition complète des lésions IRM est suivi systématiquement par une récidive [5].

  1. Coates JR, Jeffery ND. Perspectives on meningoencephalomyelitis of unknown origin. Vet Clin Small Anim. 2014 ; 44 : 1157–85
  2. Talarico LR, Schatzberg SJ. Idiopathic granulomatous
and necrotising inflammatory disorders of the canine central nervous system:
a review and future perspectives. Journal of Small Animal Practice. 2010 ; 51 : 138–49
  3. Granger N et coll. Clinical findings and treatment of non-infectious meningoencephalomyelitis in dogs: A systematic review of 457 published cases from 1962 to 2008. The Veterinary Journal. 2010 ; 184 : 290–7
  4. Lowrie M et coll. Meningoencephalitis of unknown origin: investigation of prognostic factors and outcome using a standard treatment protocol. Veterinary Record. 2013 ; 172: 527
  5. Adamo FP, O’Brien T. Use of cyclosporine to treat granulomatous meningoencephalitis in three dogs. 2004 ; 225 (8) :1211—6

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